Le plus connu des Maîtres Ecrinier ** fut Aristide Chombier (1225), frère du célèbre musicien, parolier et poète François Chombier (1217). A. Chombier naquît dans le petit village de Loustac près de Nantes, et passa une enfance tranquille dans la petite maison familiale, entouré de l'attention de ses parents et de ses frères et soeurs. En dépit d'une certaine aptitude au dessin et aux travaux manuels, une scolarité moyenne lui fit quitter l'école à 13 ans pour entrer en apprentissage chez le tonnelier du village. Il passa rapidement du statut d'apprenti à celui de compagnon mais la fabrication des tonneaux n'ayant bientôt plus de mystère pour lui, il décida, à l'âge de 17 ans, de partir à la découverte d'autres horizons. Il séjourna alors quelques temps à Nantes, travaillant épisodiquement chez un ébéniste. A la taverne "Au Verre Joyeux", au-dessus de laquelle il occupait une mansarde venteuse et humide, il passa l'essentiel de son temps à vider des chopes en compagnie de marins désoeuvrés et d'épouses légères et bruyantes. Pourchassé par une horde de maris armés d'une légitime rancœur et animés de sombres desseins à son endroit, Aristide Chombier quitta discrètement Nantes pour gagner Paris, au terme d'une période dont la créativité n'a laissé que quelques vagues croquis et esquisses. Son séjour dans la capitale n'eut rien de notable et après quelques mois, il reprit son baluchon et partit pour le sud. Son voyage fut décisif pour la suite, l'air vif de la campagne lui redonna goût au dessin et c'est pendant cette période qu'il élabora les premiers croquis de ses célèbres écrins. Il passa quelques mois à voyager de ville en village, dormant à la belle étoile ou parfois dans une grange en échange de menus travaux de ferme. Cette période de calme le mena vers Marseille. Là, sa rencontre avec Rose Dalambert changea le cours de sa vie. Il l'épousa en 1249 à Toulouse et le jeune couple s'installa dans une petite maison de village au pied des remparts de Carcassonne.
Aristide établit son atelier dans la grange au fond du petit jardin et commença la fabrication de ses premiers écrins. Naturellement, même si la facture était rigoureuse, ses premiers écrins n'avaient pas encore la qualité de ceux qu'il avait dessiné pendant son voyage mais son habileté fut rapidement reconnue et les commandes affluèrent. Le petit atelier fut rapidement submergé et il décida d'installer un nouvel atelier dans une maison voisine. C'est à ce moment qu'il s'associa avec le jeune sculpteur David Baroga et qu'il commença à créer ses premiers écrins de luxe. La manufacture eut jusqu'à une dizaine d'apprentis et compagnons et sa renommée dépassa largement le sud de la France.
Mais sa propre conscience le poussa un jour à se retirer dans son atelier de dessin, au fond de son jardin. Il confia la gestion de la manufacture d'écrins à son ami David Baroga et passa exclusivement son temps à imaginer des modèles uniques au fond de son petit atelier. C'est à partir de cette période qu'il fabriqua lui-même ces écrins uniques et si précieux que la fabrication d'un seul pouvait demander plus d'une année de travail assidu. Aujourd'hui, les écrins d'Aristide Chombier sont très rares et recherchés par les collectionneurs du monde entier. Certains écrins, comme le célèbre "Ecrin de Termidor" ont atteint des prix astronomiques lors d'enchères à Londres ou New York. A ce jour la manufacture n'existe plus, ni ses bâtiments, mais on peut encore en voir la plaque posée sur une maison à Carcassonne. Paul Chombier, descendant d'Aristide Chombier possède encore la maison familiale et le petit atelier au fond du jardin à été conservé en musée privé.
Si vous êtes intéressés par la vie d'Aristide Chombier et ses écrins, il existe plusieurs ouvrages :
- "Ecrins et coffrets anciens" par René Lattand, éd. Laffont, 1978
- "La Manufacture Chombier" par Paul Chombier, éd. Konemman, 1982
- "Les Maîtres Ecrinier" par Louis Poralis, éd. La Chandelle, 1965
* Extrait de l'ouvrage "Les Maîtres Ecrinier" par Louis Poralis, éd. La Chandelle, 1965
** Ecrinier : n.m. (latin : escrinium) artisan spécialisé dans la facture d'écrins ou coffrets précieux en bois et parfois de menus objets d'art.